Au cours des prochaines décennies, le nombre de personnes ayant atteint l'âge de la retraite augmentera sensiblement et mettra les
systèmes de sécurité sociale à rude épreuve.Seuls quelques pays ont déjà adapté leur système de retraite à l'épreuve de la démographie, surtout la Suède, la Belgique et le Danemark.
Dans la plupart des autres pays, les systèmes de retraite seront en difficulté, confrontés à des déficits publics élevés et à un équilibre inégal entre viabilité et adéquation, qui penche dans la plupart des cas en faveur de cette dernière.
Aucun pays africain ne figure parmi les dix premiers. Les systèmes de retraite de la plupart des pays du continent sont encore en phase de mise en place.
Le Maroc est classé 60ème mondial en raison de la faible adéquation de son système de retraite .
Allianz vient de dévoiler la première édition de son "Rapport sur les
retraites" qui prend le pouls des systèmes de retraite dans le monde
entier grâce à son indicateur de retraite, l'Allianz Pension Indicator
(API). L'indicateur suit une logique simple : Il commence l'analyse par les
conditions démographiques et fiscales préalables et continue ensuite à
examiner les systèmes de retraite selon leurs deux dimensions décisives : la
viabilité et l'adéquation. Il repose sur trois piliers et prend en compte au
total 30 paramètres, qui sont notés sur une échelle de 1 à 7, 1 étant la
meilleure note. En additionnant tous les sous-totaux pondérés,
l'API attribue à chacun des 70 pays analysés une note comprise entre 1 et 7,
ce qui permet d'avoir une vision globale du système de retraite
correspondant.
« L’évolution de la démographie et son impact sur les retraites a été
éclipsée par d'autres priorités ces dernières années, en premier lieu le
changement climatique et aujourd'hui la lutte contre Covid-19 », a déclaré
Ludovic Subran, Economiste en Chef d'Allianz. Et de continuer : « Mais si
vous reléguez la démographie - à vos risques et périls - au second plan, le
changement démographique vous rattrapera tôt ou tard. Désamorcer la crise
imminente des retraites et préserver l’équité et l'égalité entre
les générations sont des éléments clés pour construire des sociétés
inclusives et résilientes ».
L'évolution spectaculaire de la démographie est surtout caractérisée par
l'augmentation du taux de dépendance des personnes âgées dans le monde :
Jusqu'en 2050, il augmentera de 77 à 25 %, soit plus rapidement que durant
les 70 dernières années depuis 1950. Dans de nombreuses économies
émergentes, le ratio doublera au cours des trois prochaines
décennies, c'est-à-dire en moins de la moitié du temps que cette évolution a
pris en Europe et en Amérique du Nord. L'exemple le plus marquant est la
Chine, où le ratio va passer de 17 % à 44 %. Pour les pays industrialisés,
cependant, le niveau absolu de ce ratio est le principal motif d'inquiétude,
atteignant par exemple 51% en Europe occidentale.
Cette évolution est reflétée dans le premier pilier de l'API, appelé "points de départ", qui combine l'évolution démographique et la situation des Finances Publiques (marge de manœuvre financière). Il n'est pas surprenant que de nombreux pays émergents en Afrique obtiennent de bons résultats, car la population est encore jeune et les déficits et dettes publics sont plutôt faibles. En revanche, de nombreux pays européens comme l'Italie ou le Portugal figurent parmi les moins performants : Les populations sont vieillissantes et confrontées à des dettes élevées.
« Pour la plupart des pays industrialisés, la vieille blague écossaise
s'applique : Si je devais construire un système de retraite stable, je ne
partirais certainement pas d'ici », a déclaré Michaela Grimm, auteur du
rapport. « Et c'était déjà la situation avant le coronavirus et son tsunami
de nouvelles dettes. L'un des héritages de la crise actuelle fera que nous
allons redoubler d'efforts pour réformer nos systèmes de retraite. Ce
qui
restait de la marge de manœuvre financière est parti pour de bon ».
Le deuxième pilier de l'API est la durabilité, qui mesure la façon dont les systèmes réagissent à l'évolution démographique : Existe-t-il des stabilisateurs intégrés ou le système va-t-il s'effondrer lorsque le nombre de cotisants diminue alors que celui des bénéficiaires continue d'augmenter ? Dans ce contexte, un levier important est l'âge de départ à la retraite : dans les années 50, un homme de 65 ans en moyenne, vivant en Asie, pouvait s'attendre à passer environ 8,9 ans à la retraite (10,3 ans pour les femmes). Aujourd'hui, l'espérance de vie supplémentaire moyenne d’une personne de 65 ans est de 17,8 ans pour les femmes et de 15,2 ans pour les hommes, et elle devrait passer à 19,9 ans (pour les femmes) et 17,5 ans (pour les hommes) en 2050. En conséquence, le rapport entre la vie active et le temps passé à la retraite a nettement diminué. Les pays qui, comme les Pays-Bas, ont décidé d'adapter l'âge légal de la retraite ou l'augmentation des prestations de retraite à l'allongement de l'espérance de vie, ont ainsi un système de retraite plus durable que les pays où le report de la retraite reste un tabou.
Le troisième pilier de l'API évalue l'adéquation d'un système de retraite, en
se demandant s'il garantit un niveau de vie adéquat pendant la vieillesse.
Les leviers importants sont le taux de couverture, c'est-à-dire la part de
la population en âge de travailler et du groupe d'âge de la retraite qui
sont couverts par le système de retraite. Le taux de prestations -
c'est-à-dire
combien d'argent (mesuré en termes de revenu moyen) un retraité moyen
reçoit-il ? -, et enfin l'existence d'une assurance retraite financée par
capitalisation et d'autres sources de revenus. Dans l'ensemble, la note
moyenne du pilier de l'adéquation (3,7) est légèrement meilleure que celle
du pilier de la viabilité (4,0), signe que la plupart des systèmes
continuent à accorder plus de poids au bien-être de la génération actuelle
de retraités qu'à celui de la future génération de contribuables et de
cotisants sociaux. Les pays en tête du classement de l'adéquation ont soit
des retraites d'État encore assez généreuses, comme l'Autriche ou l'Italie,
soit des
deuxièmes et troisièmes piliers fortement capitalisés, comme la
Nouvelle-Zélande et les Pays-Bas. Cependant, les solutions de retraite par
capitalisation sont de plus en plus sous pression dans un contexte de taux
d'intérêt toujours bas. La pandémie COVID-19 a encore exacerbé cette
tendance en poussant les rendements à la baisse.
« L'environnement de faibles rendements a forcé les fonds de pension et les assureurs vie à explorer des classes d'actifs alternatives », a déclaré Cameron Jovanovic, Responsable de la branche Retraite chez Allianz SE. « Cette poussée vers des alternatives permet aux prestataires de bénéficier de la prime d'illiquidité qui correspond bien à la durée de leur portefeuille. Une autre stratégie consiste à se décharger des risques plutôt que de rechercher des rendements, car les swaps de longévité, les transferts de risques liés aux retraites et les montages de réassurance deviennent des moyens d'optimiser l'exposition des fonds de retraite et des assureurs ».
En combinant les scores des trois piliers de l'API, on obtient les résultats
globaux : La Suède, la Belgique et le Danemark se classent parmi les
meilleurs systèmes de retraite au monde (voir tableau). Le Maroc occupe la
60ème place dans ce classement mondial. Le principal
problème est l'adéquation du système public de retraite, en particulier sa
faible couverture. En outre, l'accès limité aux services financiers entrave
la constitution d'une épargne retraite privée suffisante pour pallier les
lacunes des pensions publiques. En ce qui concerne la viabilité, le Maroc se
situe actuellement au 18ème rang des pays analysés. Afin de garantir la
viabilité du système de retraite à long terme, le vieillissement de la
population devrait être pris en compte en augmentant l'âge de la retraite en
fonction des futurs gains d'espérance de vie et en introduisant un facteur
démographique dans la formule de calcul des prestations de
retraite. Dans le contexte où le taux de dépendance des personnes âgées, qui
reflète le nombre de personnes âgées de ≥65 ans et plus pour 100 personnes
en âge de travailler, devrait passer de 11,6 % aujourd'hui à 27,4 % en 2050,
il est urgent de poursuivre les réformes des retraites afin d'élargir leur
couverture et les efforts visant à améliorer l'accessibilité des
services financiers.